Sa’adi – Membres d’un même corps

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Sa’adi, de son nom complet Abū-Muḥammad Muṣliḥ al-Dīn bin Abdallāh Shīrāzī (en persan : ابومحمد مصلح‌الدین بن عبدالله شیرازی), est né à Chiraz vers 1210 et mort probablement dans la même ville en 1291 ou 1292. Il est un des plus illustres poètes et conteurs persans, auteur du Golestān (« Jardin de roses »), du Boustān (« Jardin »).

Comme le montre bien le titre de l’ouvrage de Sa’adi, d’où est tiré le poème ci-dessous, le thème de la rose est très présent dans la poésie persane. Le parfum de la roseraie évoque le parfum du Paradis, celui de la proximité de la présence de Dieu, ses épines la souffrance que l’amour peut infliger et la disposition harmonieuse de ses pétales, n’est pas sans rappeler l’harmonie qui devrait régner entre les hommes. (Voir l’article : Sa’adi – La rose)
Ainsi, les êtres humains sont comparés aux membres d’un même corps, les uns au service des autres, sans rivalité, contribuant chacun à la beauté du corps tout entier, le gardant en vie par l’amour mutuel, se renouvelant sans cesse.
C’est le sujet de ce poème de Sa’adi, la parenté entre les créatures, le lien vital qui les relie à une même source. Percevoir la source de la vie, en avoir senti le parfum, un seul instant, nous comble d’un tel amour qui nous fait reconnaître en chaque créature l’oeuvre du Créateur.
Ce thème des membres d’un même corps, de la rose, est chanté tout au long des siècles dans plusieurs traditions. Et si les rosaces des cathédrales, ces vitraux qui souvent montrent les éléments de la créations, la multitude des saints ordonnés harmonieusement dans la vie éternelle, nous rappellent le mystère de la rose, sa beauté et ses épines, c’est que déjà les paroles de saint Paul évoquaient cette image: “Prenons une comparaison : en un corps unique, nous avons plusieurs membres, qui n’ont pas tous la même fonction ; de même, nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, et membres les uns des autres, chacun pour sa part. Et selon la grâce que Dieu nous a accordée, nous avons reçu des dons qui sont différents” (Romains 12, 4-5) et “Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie” (1 Corinthiens 12, 26).

سعدی » گلستان » باب اول در سیرت پادشاهان »
حکایت شمارهٔ ۱۰
Le jardin de roses “Golestān “, première porte: Sur la vie des souverains, histoire numéro 10.

بر بالین تربت یحیی پیغامبر علیه السلام معتکف بودم در جامع دمشق که یکی از ملوک عرب که به بی انصافی منسوب بود اتفاقاً به زیارت آمد و نماز و دعا کرد و حاجت خواست
Je priais au tombeau du prophète Jean (sur lui soit la paix) dans la mosquée de Damas, lorsqu’un des rois arabes auquel on imputait le manque d’équité, par coïncidence, vint en visite au tombeau et fit des prières et supplications et demanda :

درویش و غنی بنده این خاک درند                                 و آنان که غنی ترند محتاج ترند
Le pauvre (darwīsh) et le riche sont les serviteurs de la poussière de ce seuil, ceux qui sont les plus riches sont les plus besogneux 

Le mot darwīsh indique communément le pauvre, le mendiant, mais aussi le mystique qui a choisi la voie de la pauvreté pour être d’avantage à l’écoute de la volonté de Dieu, adonné à la prière. Ainsi, loin des soucis des affaires mondaines, il sera d’avantage disponible à accueillir ce que la vie lui propose chaque jour, attentif à servir Dieu et son prochain.

آن گه مرا گفت از آن جا که همت درویشان است و صدق معاملت ایشان خاطری همراه من کنید که از دشمنی صعب اندیشناکم. گفتمش بر رعیت ضعیف رحمت کن تا از دشمن قوی زحمت نبینی.
À ce moment-là, il me dit: « À cause de la disposition (d’esprit) et de la giustice des actions des pauvres (darwīshān) ayez une pensée pour moi qui suis affligé par un dur ennemi. Je lui répondis: « Sois miséricordieux envers ton sujet qui est faible, afin de ne pas connaître la blessure de la part de l’ennemi puissant. »

 به بازوان توانا و قوت سر دست               خطاست پنجه مسکین ناتوان بشکست
Avec la puissance du bras et la force du poing, c’est une erreur de casser les doigts du pauvre impuissant

نترسد آن که بر افتادگان نبخشاید                      که گر ز پای در آید کسش نگیرد دست
Celui qui n’est pas charitable envers ceux qui sont tombés ne craint-il pas, que, si son pied glisse, personne ne lui retienne la main?

هر آن که تخم بدی کشت و چشم نیکی داشت                       دماغ بیهده پخت و خیال باطل بست
Celui qui sème une mauvaise graine et en attend un bon sort, son cerveau se réchauffe sans raison et tisse de vaines fantaisies 

ز گوش پنبه برون آر و داد خلق بده                        وگر تو می‌ندهی داد روز دادی هست
Extrais le coton de ton oreille et rends justice à la créature, car si tu ne rends pas justice, il y a le jour du jugement 

بنی آدم اعضای یکدیگرند                                     که در آفرینش ز یک گوهرند
Les êtres humains sont les membres les uns des autres, puisque dans leur création ils tirent leur origine d’une seule essence

چو عضوی به درد آورد روزگار                                         دگر عضوها را نماند قرار  
Lorsque le sort inflige de la douleur à un membre, les autres membres ne restent pas impassibles

تو کز محنت دیگران بی غمی                                       نشاید که نامت نهند آدمی
Toi, qui ne t’affliges pas de la peine des autres, on ne devrait pas te donner le nom d’humain