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Le point de référence de cette brève présentation de la Bhagavad Gītā est une traduction allemande qui porte le titre de «Bhagavad Gītā, Wege und Weisungen» par Peter Schreiner (1991, Benziger Verlag Zürich). Le mot Wege en allemand signifie chemins car beaucoup sont les chemins qui nous sont présentés dans cet ouvrage, chacun pourra tracer le sien propre, grâce aux instructions qu’il y trouvera. Ceci est le sens du mot Weisungen, une instruction qui contient un sage avis, car l’adjectif allemand weise signifie sage. Tels sont aussi les éclairages reçus du professeur Schreiner sur un univers culturel indien très vaste qui se trouve reflété ici dans ce poème. Une réflexion, celle de la Gītā, qui a su traverser les siècles et a été source d’inspiration pour de nombreuses personnalités.
Je voudrais aussi remercier les nombreux étudiants indiens avec qui j’ai eu la chance d’échanger tout sorte de questionnement, suscité par ce texte, pendant plusieurs années et aussi d’autres représentants de différentes traditions indiennes.
Yoga: une pluralité de chemins
Voici un des textes sacrés les plus populaires de l’Inde: la Bhagavad Gītā, le chant (gītā) du Seigneur (bhagavat titre utilisé aussi pour s’adresser à Dieu, celui qu’on vénère). Il s’insère dans un grand poème épique qui raconte l’histoire ancienne de l’Inde, le Mahābhārata, ouvrage qui comporte 18 livres. C’est à l’intérieur du 6ème livre, aux chapitres 25-42 que se trouve la Bhagavad Gītā, texte dont la datation ne peut être établie avec certitude, on émet l’hypothèse d’une rédaction entre le Vème et IIème siècle avant J.C.
Le Mahābhārata raconte les affrontements qui eurent lieu dans un même clan, le Kuru pour la succession au trône. Deux familles de cousins se trouvent affrontées: les Kauravas et les Pāṇḍava. Le poème de la Gītā donne forme au dialogue entre Arjuna, héros des Pāṇḍava et Kṛṣṇa, son cocher, au moment où la bataille va commencer et que les deux camps sont affrontés. Or, Kṛṣṇa est l’une des figures centrales de la religiosité indienne. Dans le Vishnouisme, un des courants religieux majeurs de l’Inde, Kṛṣṇa, est considéré comme avatar de Vishnou, le Seigneur suprême. Un avatâr est la forme que la divinité assume pour venir en aide aux hommes aux différentes époques. En interrogeant son cocher, Kṛṣṇa, sur l’opportunité de livrer bataille, Arjuna demande ainsi l’avis du Seigneur suprême.
C’est au cours de ce dialogue que l’origine divine de Kṛṣṇa lui est révélée et que ce champs de bataille nous est présenté aussi comme le lieu d’un combat spirituel.
Voici certains passages du début de ce texte qui introduisent des éléments essentiels de la spiritualité indienne et des ses différentes approches du sens de la vie.
Bhagavad Gītā ch.1-2:
La loi du dharma
1, 1
धर्मक्षेत्रे कुरुक्षेत्रे समवेता युयुत्सवः । मामकाः पाण्डवाश्चैव किमकुर्वत संजय ॥ Dans le champs du dharma (dharmakshetra), le champs des Kurus (kurukshetra), où sont rassemblés ceux qui désirent se battre, les fils de Pându et les miens, qu'ont-ils fait, o Samjaya?
Ceci est le verset initial de la Bhagavad Gītā, le roi aveugle demande à son cocher Samjaya, qui a reçu un don de vision, des nouvelles du champs où ses enfants et neveux sont rassemblés pour se livrer bataille. Or ce champs (kshetra) est appelé d’abord dharmakshetra. Le dharma c’est l’ordre sacré d’après lequel toute la société indienne est ordonnée, c’est aussi le devoir religieux de chacun que de s’y conformer. C’est ce qui est établi par un ordre supérieur. Immédiatement après, le même champs est appelé aussi kurukshetra, le champs des Kuru, le clan auquel appartiennent les deux groupes qui s’affrontent. C’est en ce monde agité par les guerres et l’avidité des hommes que Kṛṣṇa vient porter son soutien, montrer une voie: trouver l’action juste, appropriée à chacun selon sa position et son rôle particulier en ce monde. On peut aussi comprendre ce combat comme un combat intérieur où il est question d’unifier les forces qui nous divisent, nous partagent.
Yoga
1, 14
ततः श्वेतैर्हयैर्युक्ते महति स्यन्दने स्थितौ ।
माधवः पाण्डवश्चैव दिव्यौ शङ्खौ प्रदध्मतुः ॥
Ensuite, débout dans un grand char attelé (yukte) avec des blancs chevaux
les deux, le descendant de Madhu (Kṛṣṇa) et le descendant de Pāṇḍu (Arjuna), soufflèrent dans les deux coquillages divins.
C’est dans ce verset qu’intervient pour la première fois dans le poème un mot qui provient de la racine yuj. C’est de cette racine que dérive le mot yoga. Ici le mot est un participe passif, yukte, au cas locatif. En effet les personnages se trouvent dans un char qui est attelé avec des chevaux blancs. A noter qu’ici le char est indiqué par un mot qui signifie “qui va vite”. Ainsi on trouve la racine yuj dans son acception originelle, celle de unir, mettre sous un même joug, ou atteler, pour un cheval. Comme le joug qui sert à unir deux boeufs, à les tenir ensemble, à les diriger, cette pièce est un trait d’union, il indique l’union mais aussi l’action et la contrainte exercée pour tenir ensemble les deux. Ici, il s’agit de chevaux et dans beaucoup de cultures, les chevaux qu’il faut dompter, sont un symbole des passions qu’il faut freiner, tenir sous le joug. Lorsqu’on on appliquera ce mot aux réalités spirituelles, il indiquera l’état d’unification où les forces qui divisent et tiraillent ont été dominées.
Dharmakshetra-kurukshetra: le champs de bataille de ce monde
Arjuna, l’un des cinq frères Pāṇḍava (fils de Pāṇḍu) était né dans une famille de princes, de kshatrya, la caste à laquelle est confié le gouvernement: chevaliers et guerriers dont le champs (kshetra) d’activité, de bataille, là où s’exerce leur responsabilité, leur rôle en ce monde, est celui de la défense du bon droit, de la justice. Il s’agit d’assurer à chacun et en particulier aux pauvres et aux démunis ce que les malveillants ne sont pas prêts à leur accorder, de porter le même regard sur tous les êtres vivants.
Ainsi, lorsque les deux camps sont alignés, l’un en face de l’autre et prêts au combat, Arjuna regarde ses familiers, ses amis, ses maîtres qui se trouvent dans le camps adverse. A quoi bon la victoire, si cela comporte la perte de tant d’êtres chers? Il est dans un dilemme, choisir le chemin des samnyasin, des renonçants, et abandonner tout honneur et ambition ou bien s’engager dans la bataille. Voici le doute qu’il exprime à Kṛṣṇa:
1, 32
न काङ्क्षे विजयं कृष्ण न च राज्यं सुखानि च ।
किं नो राज्येन गोविन्द किं भोगैर्जीवितेन वा ॥
Je ne désire pas la victoire, ô Kṛṣṇa, ni les joies, ni la royauté
Qu'est-ce qu'un royaume pour nous, ô Seigneur des troupeaux? Que seraient les plaisirs ou la vie (jīvita)?
Quel bonheur pour celui qui aurait perdu ses amis, sa famille? Quel sens à la vie elle-même? Il y a plusieurs mot pour parler de la vie en sanskrit. Ici est utilisé le mot jīvita qui est formé à partir d’un participe, cela indique la vie en tant qu’elle a été vécue, la vie que nous passons sur terre. Il y a aussi le mot jīva qui indique plutôt ce qui vit, le vivant, ou bien aussi le mot prāṇa qui indique le souffle vital, l’énergie qui fait vivre.
1, 36-37
निहत्य धार्तराष्ट्रान्न का प्रीतिः स्याज्जनार्दन ।
पापमेवाश्रयेदस्मान् हत्वैतानाततायिनः ॥
Ô toi qui affliges les hommes, quel bonheur il y aurait pour nous en tuant les fils de Dhârtarâshtra?
une faute s’attacherait à nous, en tuant ceux qui sont prêts à tuer (âtâtayinas).तस्मान्नार्हा वयं हन्तुं धार्तराष्ट्रान्स्वबान्धवान् ।
स्वजनं हि कथं हत्वा सुखिनः स्याम माधव ॥
C’est pour cela que nous ne sommes pas autorisés à tuer les fils de Dhrtarâshtra, nos propres parents,
Comment serions-nous heureux ayant tué nos propres gens, ô descendant de Madhu?
Âtatâyin c’est celui qui lève son arc pour tuer quelqu’un, un agresseur. Il s’agit de princes indignes, prêts à tout pour le pouvoir, néanmoins ils sont la propre famille de Arjuna, ils ont grandi ensemble et avec eux, dans les rangs de l’armée, des oncles, des précepteurs, des amis, les personnes avec qui auparavant il partageait la vie. Comment obéir à son devoir d’état et engager la bataille contre eux? Arjuna aimerait vivre comme un renonçant, un samnyasin, quitter tous les honneurs, renoncer à tout, pourvu de ne pas porter la main sur ses proches. Mais Kṛṣṇa va lui parler et expliquer ainsi les différents chemins qui conduisent à l’union (yoga) avec le principe supérieur. Puisqu’il appartient à la caste des kshatriya il se doit de suivre son dharma, de s’engager dans l’action, de chercher l’union dans le chemin de l’action (karma), ce que la Bhagavad Gītā appelle karma yoga.
C’est la grande question de la violence dans les religions qui se pose ici. Le prince Arjuna, qui est engagé dans le gouvernement du monde, doit-il se battre contre les hommes qui profitent du pouvoir pour accomplir toute sorte d’injustice afin d’assouvir leur soif personnelle de pouvoir, de richesse, de plaisirs en opprimant et persécutant les autres? Est-il un devoir de prendre les armes face à l’oppresseur? La réponse de Kṛṣṇa est oui parce qu’il s’agit de son statut et son devoir personnel en tant que responsable de l’ordre et de la justice terrestre. Il ne faut pas qu’il fasse cela pour intérêt personnel mais qu’il soit prêt à risquer sa vie sans regarder les fruits qu’il pourrait retirer de cette action. S’il n’était pas un prince, alors son chemin serait peut-être tout autre, celui de rechercher la sagesse et d’instruire les autres afin de former le sens de la justice dans les esprits, de les élever vers la recherche de la vérité, du sens et du but véritable de leur vie, de leur vrai bonheur. Ou bien s’il était né dans une autre condition, il aurait pu tout quitter et devenir un yogin, un samnyasi, un renonçant qui offre l’exemple d’une vie entièrement consacrée à l’essentiel: être uni et chercher à s’unir au principe premier source de toute existence et, en lui, comprendre et regarder le monde et ses créatures avec un regard qui ressemble au sien. Se diriger vers l’essentiel, se détourner de tout ce qui nous distrait, nous conduit ailleurs. Maîtriser ainsi son corps et ses passions par l’exercice de l’ascèse corporelle, pour que le mouvement même de notre pensée trouve sa paix en son repos en celui qui transcende la pensée et toute idée que nous pouvons nous faire de lui. (link Ramaṇa Mahaṛṣi à venir).
Il faut donc se battre contre le mal, l’injustice. Voici la grande question d’Arjuna. Ce combat peut se dérouler de plusieurs façons, selon que le champs de bataille qui est celui auquel quelqu’un appartient d’après sa naissance, son origine (dharmakshetra), soit celui de l’équilibre intérieur, de l’âtman, du corps ou du monde. C’est pour cela qu’il y a plusieurs types de yoga, qui sont mentionnés dans ce texte en tant que chemins qui conduisent à l’état d’unification. Ces chemins s’entrecroisent:
- karma yoga (ch.3, 3) le chemin de l’action. Mais pour poser un acte qui soit juste il faut la connaissance (jñāna).
- jñāna yoga (ch.3, 3) le chemin de la connaissance. Pour parler d’une vraie connaissance, il faut l’expérience, il faut avoir connu l’éveil (buddhi), avoir ouvert les yeux sur la réalité, la vérité de notre existence.
- bhakti yoga (ch.14, 26) lorsque l’attention et le service sont tournés vers la finalité ou l’origine de ce qui existe. Dans certains chapitres de la Bhagavad Gītā la dévotion vers Kṛṣṇa lui-même, permet d’y avoir part. C’est le sens de la racine bhaj d’où dérive le mot bhakti qu’on rencontre souvent dans la Gītā.
Pour que tout cela soit possible il faudra parfois aussi se retirer de tout ce qui nous distrait, nous perturbe, nous agite. Ce sera le chemin du samnyasin, du renonçant, qui tendra à l’unification de ses forces par l’ascèse (tapas), autant sur le plan physique que mental par la concentration. Il tendra à se retirer du monde, des sens.
Ces chemins mènent vers un but unique, dirigent vers l’essentiel, ils donnent le sens, la direction. Ils orientent, afin que la volonté ne soit pas tiraillée en tous les sens, qu’elle soit unifiée (yukta) en elle même. Que les mouvements du corps soient aussi unifiés, qu’il tendent vers le même but, qu’il y ait une cohérence. Ainsi l’unification (yoga) qui s’accomplit dans l’être humain, sera aussi l’unification avec le principe premier ou brahman.
Pour ce faire, pour s’engager dans la voie de l’action (karma-yoga) il faut néanmoins une connaissance préalable sur la réalité ou vérité de ce monde et voici la révélation que Kṛṣṇa offre à Arjuna:
Jñâna, la connaissance ou sāṁkhya la compréhension du monde
2, 12-13
न त्वेवाहं जातु नासं न त्वं नेमे जनाधिपाः ।
न चैव न भविष्यामः सर्वे वयमतः परम् ॥
Ainsi, vraiment, moi jamais je n’étais pas, ni toi, ni cette foule de princes
ni non plus nous ne serons pas, nous tous à partir de maintenant.देहिनोऽस्मिन्यथा देहे कौमारं यौवनं जरा ।
तथा देहान्तरप्राप्तिर्धीरस्तत्र न मुह्यति
comme l’enfance, la jeunesse et l’âge de ce qui possède un corps (se suivent)
ainsi l’acquisition d’un autre corps, celui qui est assuré ne se trompe pas.
Lorsque Arjuna s’interroge sur sa participation à la guerre, quel bonheur pourrait-il y avoir si c’est au prix de la vie de tant d’êtres chers?
Cela est l’occasion de la réponse de Kṛṣṇa qui commence par lui révéler que ce qui a un corps maintenant va en recevoir un autre après la mort et cela sans fin, ni commencement.
2, 14-15
मात्रास्पर्शास्तु कौन्तेय शीतोष्णसुखदुःखदाः ।
आगमापायिनोऽनित्यास्तांस्तितिक्षस्व भारत ॥
Ô fils de Kuntî (Arjuna), toucher aux choses matérielles, ce qui cause le froid, le chaud, le plaisir et la peine,
ce sont des choses qui vont et qui viennent, non éternelles, tu dois les supporter, o fils de Bharataयं हि न व्यथयन्त्येते पुरुषं पुरुषर्षभ ।
समदुःखसुखं धीरं सोऽमृतत्वाय कल्पते ॥
celui que celles-ci n’affligent pas est un homme (puruṣa), ô toi qui es un homme-taureau (puruṣarṣabha)
un sage pour qui la peine et le plaisir sont équivalents, qui est prêt pour l’immortalité.
Puruṣa est un des termes clé de ce poème. Ce mot qui dans la vie quotidienne signifie simplement homme, joue aussi un rôle important dans les textes anciens, antérieurs à la Bhagavad Gītā. Il s’agit de l’esprit qui est uni à la prakṛti la force de la nature, vision de l’homme parfait, des deux forces qui donnent vie au monde et en assurent la dynamique, la vie.
2, 18
अन्तवन्त इमे देहा नित्यस्योक्ताः शरीरिणः ।
अनाशिनोऽप्रमेयस्य तस्माद्युध्यस्व भारत ॥
ces corps ont une fin, ils appartient à celui qui a (pris) un corps (sharirin) et qu’on appelle éternel,
indestructible et non mesurable, alors bats-toi, (descendant de) Bharata.Remarque: le mot sharirin indique quelqu’un ou quelque chose qui possède un corps. D’après la vision globale du texte c’est l’ātman, le soi, le principe, l’essence, qui vivifie tout être vivant. Le mot (sharirin) indiquerait donc l’ātman qui a pris possession du corps et c’est de l’ātman qui ne peut pas être tué, qui est éternel, immortel dont parleront dans les versets suivants:
2, 19-20
य एनं वेत्ति हन्तारं यश्चैनं मन्यते हतम् ।
उभौ तौ न विजानीतो नायं हन्ति न हन्यते ॥
celui qui pense que celui-ci peut tuer et celui qui pense qu’il peut être tué
les deux ne savent pas que celui-ci n’est ni tueur ni tué.न जायते म्रियते वा कदाचिन्नायं भूत्वा भविता वा न भूयः ।
अजो नित्यः शाश्वतोऽयं पुराणो न हन्यते हन्यमाने शरीरे ॥
ni il est né, ni à aucun moment il ne peut mourir, ni celui-ci ayant été il ne sera pas dans le futur
il n’est pas né, éternel, perpétuel depuis les temps anciens, il n’est pas tué lorsque le corps est tué.
C’est les corps qui sont mortels, mais ce qui possède le corps, ce qui l’anime et lui donne vie, cela ne peut pas être tué. Arjuna restera perplexe et continuera à poser des questions à Kṛṣṇa. Il se demande s’il ne serait pas mieux de renoncer au combat, car après avoir tué les êtres qui lui sont chers, des membres même de sa famille, quelle joie pourrait-il en retirer? comment la vie serait encore une vie, sans l’affection de ses proches?
Le reste du livre sera consacré à répondre aux questions et aux doutes d’Arjuna:
- D’abord la question de la réincarnation déjoue les calculs humains. Comment savoir ce qui est bien pour l’autre? seul Dieu possède cette connaissance, peut-être qu’en empêchant ses ennemis de s’enfoncer d’avantage dans le mal, en exerçant une tyrannie guidée par leurs propres intérêts et par l’injustice, il leur rendra service. Peut-être leur offrant l’opportunité d’une vie future, il leur donnera l’occasion de se racheter. Comment l’homme peut-il savoir?
- Il faudra agir pour la justice, selon ce que notre état, condition, caste, nous permet de faire, sans agir par intérêt personnel, sans penser aux fruits de l’action. Si l’on est juge, on jugera avec justice; si on est guerrier en risquant sa vie pour défendre la justice; si l’on est sage et brahmane en enseignant la justice, l’indiquant et la conseillant aux hommes, puisant dans la dévotion cette sagesse; si l’on est un pauvre, un esclave, en acceptant la vie avec dévotion dans l’attachement profond à la justice divine, dans la prière et l’union à Dieu.
Karma-yoga
2, 31-33
स्वधर्ममपि चावेक्ष्य न विकम्पितुमर्हसि ।
धर्म्याद्धि युद्धाच्छ्रेयोऽन्यत्क्षत्रियस्य न विद्यते ॥
contemplant donc ton devoir de caste (svadharma) tu ne devrais pas vaciller
une bataille conforme à son devoir d’état, il n’y a rien de plus digne pour un kshatriyaयदृच्छया चोपपन्नां स्वर्गद्वारमपावृतम् ।
सुखिनः क्षत्रियाः पार्थ लभन्ते युद्धमीदृशम् ॥
pour celui à qui (cela) incombe par un heureux sort, ouverte est la porte du ciel,
heureux les kshatriya, ô fils de Prthâ, qui atteignent une telle bataille.अथ चेत्त्वमिमं धर्म्यं सङ्ग्रामं न करिष्यसि ।
ततः स्वधर्मं कीर्तिं च हित्वा पापमवाप्स्यसि ॥
Maintenant, si tu ne t’engages pas dans ce combat qui est conforme à ton devoir (dharmyam),
alors, renonçant à ton devoir et à ta renommée, cela te sera compté comme faute.
2, 39
एषा तेऽभिहिता सांख्ये बुद्धिर्योंगे त्विमां श्रृणु।
बुद्ध्या युक्तो यया पार्थ कर्मबन्धं प्रहास्यसि।।
Cet éveil de la conscience (buddhi) qui t’as été exposée dans le sāmkhya, écoute-le pourtant dans le yoga
Ayant réalisé l’union (yukta) avec l’éveil de la conscience (buddhi), par celui-ci, ô fils de Pṛthā, tu abandonneras les liens du karma
Il s’agit d’un verset déterminant pour comprendre des mots clé du vocabulaire de la Gītā. D’abord le mot sāmkhya: pour indiquer l’activité réflexive, philosophique, la compréhension globale du monde. C’est dans ce regard qu’il est possible d’analyser, énumérer, situer nos actes et les principes qui animent ce monde.
Ce verset semble donc indiquer que jusqu’ici, au cours des versets précédents Arjuna a écouté l’exposé qui lui donne la connaissance (jñāna). Le sāmkhya, la compréhension du monde, lui a été transmise par Kṛṣṇa. Cette connaissance est un éveil de la conscience à la vérité exposée par Kṛṣṇa. Et celui-ci maintenant l’exhorte, c’est comme s’il disait: “Maintenant que la vérité t’a été révélée, il faut unifier ton être et tout ordonner à ce qui t’a été révélé. Maintenant écoute ce que signifie unifier ton être à la compréhension que tu as des choses”. Buddhi signifie l’éveil, le fait d’avoir compris une vérité et yoga indique ici l’effort de conformer nos actes à cette vérité, que rien ne soit en contradiction avec ce qui a été compris.
Les versets précédents, en effet, exposent une vérité étonnante qui va conditionner le comportement de Arjuna: l‘ātman, le principe vital de chaque être, le soi, est immuable et immortel, personne ne peut le tuer. Donc, ayant réalisé cette vérité, éveillé et uni à cette réalité (buddhyā yukto), Arjuna peut maintenant s’engager dans la bataille. Sa vision du monde a été profondément transformée. Maintenant il pourra agir conformément à ce que son état de guerrier et défenseur du bon droit lui demande, il pourra accomplir son dharma. Et Kṛṣṇa lui annonce ceci: tu seras libre des liens de l’action (karmabandhaṁ). La suite des versets va donc expliciter en quoi consiste ce chemin d’unification, de yoga, comment adapter sa conduite à la réalité intelligée (buddhi).
Yoga
2, 47-48
कर्मण्येवाधिकारस्ते मा फलेषु कदाचन ।
मा कर्मफलहेतुर्भुर्मा ते संगोऽस्त्वकर्मणि ॥
Tu es responsable seulement de l’acte (karma), jamais de ses fruits,
ne sois jamais motivé par le fruit de l’action, qu’il n’y ait pas non plus de ta part un attachement à l’inaction.योगस्थः कुरु कर्माणि संग त्यक्त्वा धनंजय ।
सिद्धयसिद्धयोः समो भूत्वा समत्वं योग उच्यते ॥
Accomplis tes action dans l’état d’unification (yogasthaḥ), ayant abandonné l’attachement (sañga), ô toi qui conquiert des trésors,
lorsque le succès ou l’insuccès sont devenus égaux, c’est alors qu’ils est dit du yoga qu’il est égalité.
Si Arjuna était attaché aux fruits de l’action, cela signifierait qu’il est intéressé, qu’il fait cela par intérêt personnel, qu’il vise peut-être le pouvoir et les avantages qu’il peut retirer de la victoire. Viser uniquement l’action signifie être convaincu qu’il est nécessaire de s’engager pour la justice coûte que coûte, même au pris de sa vie. Cela est le vrai sacrifice, être prêt à risquer sa vie est l’acte par excellence. Il obéit à son dharma, à son devoir d’état, c’est son rôle de garantir la justice. Même s’il devait faillir, il aura fait ce qu’il fallait. Considérer ainsi les choses, la vie, est ce qu’on appelle ici l’état de buddhi, d’éveil de la conscience à la vérité, à la réalité. L’action prend donc tout son poids si elle si elle est dictée par la connaissance (jñāna).
2, 49
दूरेण ह्यवरं कर्म बुद्धियोगाद्धनञ्जय ।
बुद्धौ शरणमन्विच्छ कृपणाः फलहेतवः ॥
L’action (karma) est de loin inférieure au buddhiyoga, ô toi qui conquis des trésors,
cherche refuge dans l’éveil de ta conscience (buddhi), misérables sont ceux qui cherchent le fruit.
Les chemins qui conduisent à l’origine, au principe premier, au brahman sont équivalents. Selon la spécificité des individus, l’un empruntera davantage le chemin de l’action, l’autre celui de la connaissance. Mais ils doivent néanmoins s’éclairer l’un l’autre. Celui qui s’engage dans l’action, mais qui n’est pas capable de discerner quelle est la bonne action n’ira pas loin. Il faut d’abord qu’il s’empreigne de connaissance et celle-ci lui dictera l’action à accomplir et de quelle façon le faire. Cela pourra aussi amener à une action non-violente, par exemple, comme celle de Gandhi. Il s’agit d’un choix, d’un choix courageux, fait au risque de sa vie et puisé dans une profonde méditation des textes sacrés et de la Gītā en particulier. C’est en elle que Gandhi a puisé sa motivation à l’action, à engager une bataille contre l’oppression et l’injustice. Les moyens, les armes de cette bataille ont été dictés par la sagesse qui l’a dirigé vers une action non-violente.
2, 51
कर्मजं बुद्धियुक्ता हि फलं त्यक्त्वा मनीषिणः ।
जन्मबन्धविनिर्मुक्ताः पदं गच्छन्त्यनामयम् ॥
Ceux qui ont réalisé l’unification avec leur buddhi (buddhiyuktās), ayant abandonné le fruit, sont ceux qui peuvent comprendre (manīshīnas),
libérés du lien de la naissance, ils avancent là où il n’y a pas d’affliction
Celui-ci a donc abandonné la recherche d’un profit personnel, c’est la sagesse, la connaissance de la vérité (jñāna), qui le conduit. Par elle, il est prêt à risquer l’insuccès, à considérer le résultat de ses actions sans importance.
Arjuna demande à Kṛṣṇa:
2, 54
स्थितप्रज्ञस्य का भाषा समाधिस्थस्य केशव ।
स्थितधीः किं प्रभाषेत किमासीत व्रजेत किम् ॥
Quelle description de celui qui est établi (sthita) dans la connaissance acquise (prajña)? de celui qui est établi dans le samadhi ? ô toi (Kṛṣṇa) qui as de longs cheveux (keshava).
Celui qui est stable dans sa pensée (sthitadhīh), comment parle-t-il? Comment est-il assis? comment marche-t-il?
Le savoir est maintenant éclairé par l’éveil de la conscience (buddhi), cela est passé par l’expérience, une connaissance (prajña) est acquise. Cette connaissance détermine le choix de l’action juste dictée par le dharma individuel, le svadharma, ce que chacun est appelé à accomplir vu son rôle dans la société, en vertu d’un décret supérieur, celeste qui l’y a conduit, placé.
Mais combien de tiraillements, de distractions encore contribuent à détourner celui qui a acquis une sagesse de son but véritable. Combien d’actions sont encore dictées par les besoins quotidiens, la faim, la soif, les sens, les désirs? on se lève, on va chercher quelque chose, on a froid, on a chaud, on réponds aux stimulations de nos sens. Tout cela semble distraire du but que la sagesse indique. Il faut alors réunir les énergies, les concentrer dans la même direction, les rassembler, se recueillir. Voici le sens de samādhi qui place ensemble, sam ensemble, â-dhâ placer. Il recueille toutes les sensations, les regards qui portent en mille directions, les activités de la pensée (dhī) et les concentre vers le but ultime.
Voici la réponse de Kṛṣṇa aux longs cheveux (keshava) qui assume aussi l’attitude et l’aspect du yogin, de celui qui est unifié, concentré sur l’essentiel. Il en assume la posture et la démarche. En tout il est stable (sthita), unifié (yukta).
Kṛṣṇa répond:
2, 55
प्रजहाति यदा कामान् सर्वान्पार्थ मनोगतान् ।
आत्मन्येवात्मना तुष्टः स्थितप्रज्ञस्तदोच्यते ॥
Il abandonne tous les désirs (kâmâ) qui viennent à l’esprit (manas), ô fils de Prthâ,
satisfait dans le soi (ātmani) par le soi (ātmanā), on dit de lui qu’il est établi dans la connaissance (prajña).
Nous avons dans ce verset le mot prajña. Il vient de la même racine que jñāna la connaissance. Mais le préfixe pra– vient nous dire que cette connaissance est allée de l’avant, plus loin, elle est acquise. Être établi dans cet état signifie bien avoir réalisé une union, une union importante ici: celle de l’ātman avec l’ātman source d’un apaisement, d’une plenitude, d’une satisfaction finale. L’ātman, le soi, a trouvé en lui la présence, le reflet, la trace du principe premier qui donne vie au monde, il s’est identifié avec ce principe, l’a réalisé: buddhi, l’éveil. C’est dans son âtman que l’âtman du monde se trouve. Un mystère dans le fait d’être, d’être soi-même.
Âtman peut être utilisé de deux façons:
- pour indiquer “soi-même” tout simplement comme un pronom réfléchi: “il s’est uni”, il a uni soi-même.
- pour indiquer que le vrai soi-même est le principe vital qui se trouve en chaque être vivant, qui donne vie à tous les êtres, qui se trouve en nous mais qui dépasse notre corps mortel.
Voyons donc aussi les conseils pratiques que Kṛṣṇa donne à Arjuna pour être capable d’accomplir une action juste, fondée sur une connaissance (jñāna). Un certain travail sur soi-même est nécessaire pour rassembler (samādhi) toutes les énergies, concentrer les pensée sur l’origine et la destinée de tout, l’essentiel.
2, 56
दुःखेष्वनुद्विग्नमनाः सुखेषु विगतस्पृहः ।
वीतरागभयक्रोधः स्थितधीर्मुनिरुच्यते ॥
Celui qui n’est pas touché par les souffrances, qui ne cherche pas le plaisir dans les moments heureux,
duquel se sont éloignés la passion (rāga), la peur (bhaya), la colère (krodha), il est appelé muni, celui dont la pensée est stable (sthitadhīr) .
Muni est celui qui s’est donc recueilli dans le silence, qui n’est plus perturbé par les bruits extérieurs, qui s’est retiré. Un sage, un ermite peuvent ainsi être désignés par ce mot. Ici même Arjuna, guerrier au coeur d’une bataille, peut être désigné par ce mot car c’est l’activité de son esprit, ses pensées (dhī) qui sont devenues stables (sthita), au milieu de l’action.
2, 57-58
यः सर्वत्रानभिस्नेहस्तत्तत्प्राप्य शुभाशुभम् ।
नाभिनंदति न द्वेष्टि तस्य प्रज्ञा प्रतिष्ठिता ॥
Celui qui n’est attiré dans aucune direction, qui rencontre telle chose plaisante ou telle désagréable
sans se réjouir, sans détester, dont la connaissance acquise (prajña) reste bien stable.यदा संहरते चायं कूर्मोऽङ्गनीव सर्वशः ।
इन्द्रियाणीन्द्रियार्थेभ्यस्तस्य प्रज्ञा प्रतिष्ठिता ॥
Lorsque celui-ci, comme une tortue (kūrma) avec ses membres, retire complètement
les sens (indriyâṇi) des objets de sensation, alors sa connaissance acquise (prajñā) reste bien stable.
Le retrait des sens est un chemin commun à beaucoup de cultures. Vider l’esprit des perceptions extérieures pour se concentrer et se laisser remplir par l’essentiel, le but suprême. Les moyens pour y parvenir sont des plus variés selon les populations: la danse, le chant ou l’intonation répétitive, la respiration, les postures, le silence.
2, 61
तानि सर्वाणि संयम्य युक्त आसीत मत्परः ।
वशे हि यस्येन्द्रियाणि तस्य प्रज्ञा प्रतिष्ठिता ॥
Lorsqu’il les domine tous (les sens), qu’il s’assoit unifié (yukta) moi étant son but suprême (matparah);
de celui qui a les sens en son pouvoir, la connaissance acquise (prajña) reste bien stable.
Matparah: mat, mad est la forme du pronom “je”, moi (aham), dans les mots composés. Paras est ce qui est supérieur, au-dessus, donc Kṛṣṇa affirme que c’est lui qui est l’objet sur lequel doit se concentrer l’attention du sage, le but suprême vers lequel convergent toutes ses forces unifiées (yukta). Nous avons déjà commenté ce mot yukta, c’est le participe passé du verbe yuj d’où vient le substantif yoga, il signifie donc ayant réalisé, atteint l’état de yoga, d’union, d’unification. Il s’agira selon les occurrences d’indiquer l’unification réalisée en soi-même, dans son ātman, ou bien aussi l’état d’union de l’âtman avec l’âtman, du soi avec le soi, le principe qui est à l’origine du soi et dont celui-ci participe.
2, 71-72
विहाय कामान्यः सर्वान्पुमांश्चरति निःस्पृहः ।
निर्ममो निरहंकारः स शान्तिमधिगच्छति ॥
Lorsqu’il abandonne tous les désirs, il agit délivré de l’ambition,
de ce qui lui appartient en propre, des actions qui appartiennent au moi, il rejoint la paix.एषा ब्राह्मी स्थितिः पार्थ नैनां प्राप्य विमुह्यति ।
स्थित्वास्यामन्तकालेऽपि ब्रह्मनिर्वाणमृच्छति ॥
C’est ceci que d’être établi dans le principe fondateur (brahman), o fils de Prthâ, ayant obtenu ceci, il n’est pas dans l’erreur,
celui qui est établi en lui, aussi au moment de la mort, rejoint le brahmanirvana.
remarque à propos de brahmanirvana: le mot nirvana indique ce qui est dissous, anéanti, c’est la disparition de quelque chose. Or, le mot composé brahmanirvana, dissolution du brahman peut être compris grammaticalement de deux façons: soit c’est le brahman lui-même qui est dissous, anéanti, soit la dissolution éprouvée est celle qui se réalise une fois unis, identifiés au brahman, état de celui qui éprouve le nirvana, c’est-à-dire la disparition de tout phénomène sensible.
L’harmonisation de tous ces chemins qui convergent vers un même but, leurs infinis croisements donneront l’extrême variété des individus qui selon leur rôle en ce monde, en cette société s’engageront davantage dans l’un, sans exclure la sagesse qui est dans l’autre. Mais comment discerner sa voie? Voici le dilemme initial du poème auquel se trouve confronté le héros, Arjuna.
Notes:
Citations de Gandhi sur la Gītā:
Dans l’hebdomadaire Young India publié par Gandhi lui-même, numéro du 31 Décembre 1931: “Des mots tels que défaillance et désespoir n’ont pas lieu d’être dans le vocabulaire d’un homme qui base sa vie sur la vérité et la non-violence… La vérité et la non-violence sont, peut-être, les forces les plus actives qu’on puisse avoir en ce monde. Un homme qui manie des armes sanguinaires, visant à détruire ses ennemis a nécessairement besoin d’un peu de repos, il doit baisser les bras pour un moment dans les 24 heures. Donc, pour une partie de la journée, il sera inactif. Tel n’est pas le sort de celui qui est dévoué à la vérité et à la non-violence, pour la simple raison qu’il n’y a pas d’armes extérieures, elles résident au-dedans de lui… Le guerrier de la vérité et de la non-violence a des facettes multiples et il est toujours et constamment actif.
Dans Young India, numéro du 12 décembre 1925: “Je regarde Duryodhana et son parti comme les instincts les plus bas de l’homme et Arjuna et son parti comme les instincts les plus élevés. Le champs de bataille est notre propre corps. Une bataille éternelle se déroule entre ces deux champs et le poète-voyant (de la Gītā) les décrit avec vivacité.”
Dans les Discours sur la Gītā, p.59: “La vraie bataille est engagée contre les objets des sens. L’homme sage retire ses sens des objets comme la tortue retire ses membres. Pour faire cela l’on doit tourner le regard vers l’intérieur et réaliser Dieu. Quelqu’un qui regarde Dieu comme le but et s’abandonne entièrement à Dieu garde le contrôle de ses penses et est un yogin stable dans l’esprit. Cela l’empêche de songer aux objets des sens comme c’est le cas pour les autres. Car ceux qui n’ont pas le contrôle de leurs sens de cette façon, songeant aux objets sensibles engendrent un attachement à ceux-ci. De l’attachement naît le désir et lorsque le désir est contré il ressent la colère. Ainsi il se comporte de manière désordonnée et se dirige vers une fin malheureuse.”
Dans les commentaires sur la Gītā écrits par Gandhi dans la période d’emprisonnement 1934-35 on peut lire le texte suivant: “Le renonçant (sannyasin) de la Gītā ne pourrait tolérer une cessation complète de toute activité. Le renonçant de la Gītā est tout travail et pourtant non-travail. Ainsi l’auteur de la Gītā en élargissant la signification des mots, nous a appris à l’imiter. Qu’il soit accordé, que selon la lettre de la Gītā il est possible de dire que la guerre est compatible avec le renoncement au fruit. Mais, après quarante ans d’effort inlassable pour respecter pleinement l’enseignement de la Gītā dans ma propre vie, j’ai senti, en toute humilité, que le parfait renoncement est impossible sans la parfaite observance de la non-violence (ahimsa) sous toutes ses formes et aspects.”
La traduction anglaise de ce texte écrit en gujarati par Gandhi est publiée à la page 131 du livre The Gītāaccording to Gandhi (http://www.mkgandhi.org/ebks/gita-according-to-gandhi.pdf): “The sannyasa of the Gītā will not tolerate complete cessation of all activity. The sannyasa of the Gītā is all work and yet no work. Thus the author of the Gītā, by extending meanings of words, has taught us to imitate him. Let it be granted, that according to the letter of the Gītā it is possible to say that warfare is consistent with renunciation of fruit. But after forty years’ unremitting endeavor fully to enforce the teaching of the Gītā in my own life, I have in all humility felt that perfect renunciation is impossible without perfect observance of ahimsa in every shape and form.”